J’ai souvent usé dans ma vie privée et dans ma profession, de ce trésor que je possède depuis mon enfance au sein d’une fratrie de 6, celui de mon statut de « mouton noir ».

La petite anecdote dont je me rappelle est qu’en période de Noël nous avions l’habitude chacun des six enfants d’aligner notre mouton (le mien étant naturellement noir) sur la cheminée avec pour objectif chaque jour, pour autant que l’on ait été sage, de faire faire à notre petit animal un pas de plus afin de le rapprocher de la crèche, l’objectif étant d’y arriver le jour de Noël . De mémoire de petit garçon je ne souviens pas être un jour arrivé à destination dans les temps impartis

Est-ce à dire que je n’ai jamais été sage ??

Mais que veut donc dire être sage lorsque l’on est enfant ???

Si être sage signifie se confondre dans la masse, se conformer strictement et sans critiques objectives aux règles édictées par l’autorité parentale ou la hiérarchie, éroder les aspérités créatrices de son personnage au profit de l’opinion commune de la masse molle des bien-pensants et des exécutants, alors c’est vrai je n’ai jamais été, et ne serai jamais tout à fait sage.

Pourtant, paradoxalement, je n’ai jamais été aussi épanoui et heureux que dans des environnements strictement formattés et intégré dans des équipes importantes. Mon premier exemple fut mon service militaire ou malgré un cadre, une discipline et une hiérarchie stricte, je réussi en tant que mouton noir à sortir des sentiers battus pour transformer une équipe faite de « bric et de broc » en finaliste d’une grande compétition inter-bataillons.

Ainsi pourrais-je aussi résumer mes multiples expériences dans l’Industrie, particulièrement celle dédiée à la fabrication de médicaments.

Mais comment donc ai-je réussi tout au long de ces années avec le profil qui est le mien, à me frayer un chemin si passionnant dans ce monde de l’Industrie Pharmaceutique dont on imagine à tort que malgré un environnement hyper formaté et règlementé, il n’y a aucune place pour la créativité et l’originalité.

C’est le mystère de mon existence que je dois avant tout à la confiance que tous ces managers ou clients m’ont accordée de Spa à Heppignies, de Mayenne à Amiens, de Tianjin à Rio de Janeiro, de Shannon à Taipei.

« GAGNER C’EST ETRE LIBRE »

Alors, comment donc un mouton noir au sein d’une équipe peut-il constituer une formule gagnante ?

Que l’on ne se méprenne pas, utiliser le terme « gagner » pour un mouton noir ne signifie pas être vainqueur, être le « calife à la place du calife », être le premier, le plus haut le plus titré dans la hiérarchie !

Non, pour un mouton noir « gagner » veut dire tout simplement être libre, libre dans sa tête, libre en s’appuyant ses compétences professionnelles, libre en se reposant sur des valeurs et des convictions fortes, libre d’adhérer sans retenue pour les causes les plus importantes de ses clients.

Alors, pour une Entreprise, embaucher un « Black sheep », c’est la garantie de recruter un homme ou une femme libre, libre surtout de ne pas suivre les chemins tracés d’avance qui de toutes façons ne mèneraient à rien de brillant, libre de ne pas écouter les bien-pensants ne rêvant que de leur propre gloire ou de leur propre confort.

Avec le mouton noir, aucun de risque dès lors de succomber à l’esprit de cour ou de flatterie, mais plutôt l’irrésistible volonté d’etre libre par la franchise, la vérité, la fidélité à ses valeurs à ses convictions,  autant qu’à la satisfaction du client qui l’assura de sa confiance.

Avec le mouton noir, tout est donc une question de confiance, une confiance qui intégrée dans un cadre et des objectifs donnés lui fournissent la liberté garante de sa créativité, de son efficacité.

ENTREPRISES, METTEZ UN MOUTON NOIR DANS VOTRE MOTEUR !!

Dans l’une de mes lectures de cet été 2023, « Why the Black sheeps wins » de David W Williams j’ai retrouvé bon nombre des arguments qui devraient convaincre les entreprises d’embaucher des moutons noirs, particulièrement utiles dans des phases de transformation des organisations, des systèmes ou des processus.

 « Un mouton noir semble immunisé face à la pression d’un groupe, insensible à la pression sociale ; il croit fermement en sa vision du monde à un point presque irréaliste”

En réalité, il a vraiment la capacité d’écouter, puis d’avancer vers le monde entier, de lui dire qu’il a tort, d’avancer malgré tout à la poursuite de ses rêves en ignorant les voix de cassandres qui chuchotent et les cris dissidents.

Les plus performants d’entre eux ont cette capacité d’ignorer la pression sociale qui les pousserait à se conformer à la majorité, tout cela parce ces ovidés sympathiques ne se soucient nullement, malgré leur esprit grégaire, d’être ostracisés.

Ils possèdent tous la conviction inébranlable qu’ils surmonteront n’importe quel obstacle, mais sont néanmoins flexibles dans la manière dont ils y parviennent.

Ils ne se fixent jamais sur un chemin particulier – ils ont un objectif en tête et empruntent tous les chemins pour y parvenir ; si la porte arrière n’est pas ouverte, ils essaient la fenêtre, si la fenêtre n’est pas ouverte, ils défoncent la porte.

Même si ces chemins sont parsemés d’avertissements, de gens qui se moquent d’eux ou de conseils selon lesquels ils ne réussiront jamais, ils ne se laissent pas arrêter. C’est là la différence essentielle avec la masse des mortels.

Un « non » n’est jamais un « non » – ce n’est qu’un rejet temporaire de la part d’une source. Il y a tout un monde à poursuivre dans la quête de l’acceptation et du succès.

Sur son chemin, il suffit qu’une seule personne dans l’organisation, son client, sa hiérarchie,  croie en sa vision de la situation pour qu’il commence à la réaliser; rien ne l’arrêtera alors, car il a cette capacité de faire preuve d’ignorance à l’égard des choses qui le détourneraient de sa mission.

Dans une suite prochaine je vous relaterai 2 ou 3 exemples professionnels, en Belgique, en Allemagne et à Rio de Janeiro, où ce statut me valut de remporter de splendides victoires, lesquelles dépassèrent largement les quelques inconvénients que ma liberté de penser et de dire  purent entrainer.

Emmanuel de Ryckel