Ce 17 Octobre 2023, LE SOIR de Bruxelles publie:

Souvenez-vous de l’hiver dernier. Le Perdolan et le Nurofen sous certaines formes (notamment à usage pédiatrique) étaient temporairement indisponibles, mais il existait heureusement des alternatives.

En 2022, 3.044 notifications d’indisponibilité temporaire de médicaments ont été reçues, mais seulement 1,18 % des indisponibilités étaient critiques. L’impact sur la continuité du traitement est donc dans la plupart des cas heureusement limité, c’est-à-dire qu’il existe au moins une alternative, voire plusieurs.

L’indisponibilité de certains médicaments peut être temporaire ou définitive, dans le cas où la firme qui produisait le médicament décide d’en interrompre sa production. Il arrive aussi que la disponibilité soit limitée, comme c’est le cas pour le médicament antidiabétique Ozempic, en raison d’une hausse aiguë de la demande pour un usage « off label » (l’effet coupe-faim). Dans ce cas précis, la priorité doit être donnée à l’indication pour laquelle Ozempic est autorisé, à savoir le traitement des patients adultes dont le diabète de type 2 n’est pas suffisamment régulé.


1 Combien de médicaments sont concernés ?
Ce mardi 17 octobre, 259 médicaments étaient indisponibles, d’après Pharmastatut.be, la plateforme d’information sur la disponibilité des médicaments en Belgique. A titre de comparaison, on parlait de plus de 350 médicaments indisponibles en janvier dernier.

Mis à jour quotidiennement sur la base des informations fournies par les titulaires d’autorisation ou les distributeurs parallèles, Pharmastatut garantit la transparence sur les causes et la durée d’indisponibilité des médicaments autorisés en Belgique, tant à usage humain que vétérinaire. « Cela reste relatif car entre la rupture en officine et la publication sur Pharmastatut, il y a un délai alors qu’en France, un médicament est dit indisponible quand le pharmacien ne peut pas l’avoir dans les 72 heures qui suivent la demande du patient », tempère Nicolas Echement, secrétaire général de l’Association des pharmaciens de Belgique (APB).

2 Pourquoi y a-t-il pénurie de certains médicaments ?
« Hormis la sous-évaluation de la production, les principales raisons de l’indisponibilité en général sont des problèmes d’approvisionnement divers en principes actifs (ou composants des médicaments) qui retardent la production ou un lot non conforme qui doit être refait… Les conditions de mise sur le marché sont très strictes et parfois, pour une erreur d’étiquetage, tout un lot peut être détruit. N’oublions pas qu’au niveau du médicament, bien que certains d’entre eux soient produits en Belgique, nous sommes surtout dépendants d’un marché international. Les producteurs considèrent les médicaments comme des biens de consommation au même titre que les autres et donc ils subissent la loi de l’offre et la demande », poursuit Nicolas Echement.
Un médicament peut être indisponible uniquement dans certaines pharmacies (ou chez certains vétérinaires) en raison d’un problème de distribution locale. Le médicament n’est alors pas réellement indisponible, précise l’Agence fédérale pour les médicaments et produits de santé (AFMPS). A noter qu’une plateforme d’échange, Meditroc, utilisée par quelque 2.600 pharmaciens belges (sur les 4.700 répartis sur le territoire), se targue d’avoir satisfait environ 160.000 demandes.

Un autre problème de distribution est le contingentement, une pratique appliquée par certaines firmes pharmaceutiques consistant à livrer leurs stocks de manière contrôlée sur la base de la consommation de l’année précédente. En d’autres termes, la firme estime la quantité de médicaments qui doit être produite annuellement pour répondre aux besoins du marché belge et limite la livraison périodique dans les pharmacies. En pratique, ces cas ne se produisent en général qu’à la fin du mois et le médicament est à nouveau disponible au début du mois suivant. Mais pour le patient comme pour le pharmacien, le problème reste le même : il s’agit de trouver une solution.
3 Est-ce que la pénurie de médicaments s’aggrave d’année en année ?
Du côté de l’AFMPS, on temporise : « Les notifications de conditionnements de médicaments à usage humain indisponibles temporairement représentent en moyenne 5,5 % (données de 2022) du nombre total de conditionnements à usage humain commercialisés en Belgique. Ainsi, l’augmentation du nombre de conditionnements notifiés indisponibles depuis 2019 ne démontre pas une augmentation des indisponibilités elles-mêmes mais une augmentation des notifications de ces indisponibilités. »
« Les indisponibilités ont toujours été un problème du quotidien du pharmacien et particulièrement en fin d’année, début de l’année suivante », souligne pour sa part Nicolas Echement. « L’année passée a été plus sensible : la sortie du covid a provoqué une sous-évaluation des différents moyens à produire pour couvrir cet hiver. La présence d’une triple épidémie potentielle (bronchiolite, grippe et covid) n’a rien amélioré. Nous avons estimé le temps passé par le pharmacien chaque semaine à la gestion de ces indisponibilités à sept heures par semaine. »
4 Quelles sont les solutions imaginées pour y remédier ?
« En cas de pénurie, le pharmacien va d’abord essayer de trouver si le médicament est encore en stock chez un confrère, chez un autre grossiste, ou prendre contact avec le labo. S’il ne trouve pas le médicament prescrit, il prendra contact avec le médecin pour proposer un autre médicament, le commandera à l’étranger si l’AFMPS a donné son feu vert ou exceptionnellement le préparer en magistrale si c’est autorisé », poursuit le secrétaire général de l’APB. « C’est rude, mais cela ne nous empêche pas d’obtenir des avancées petit à petit : la substitution possible dans le cadre d’indisponibilités publiées dans un arrêté royal, la création de Pharmastatut.be, l’interdiction d’exportation de produits indisponibles, la vue transparente pour ces produits sur les stocks grossistes. Nous continuons à demander d’autres mesures pour trouver des solutions (prescriptions magistrales de substitution remboursées, par exemple), mais il faut encore convaincre les autorités et les autres prestataires du besoin de le faire et surtout du financement de cette possibilité. »

Comme le souligne l’Association générale de l’industrie pharmaceutique, « éviter les pénuries de médicaments nécessite une approche holistique ». « Le climat d’investissement en Europe est difficile à concilier avec la forte pression à la baisse sur les prix des médicaments, la libre circulation des marchandises en Europe et, enfin, les normes de qualité élevées qui sont imposées aux médicaments dont le processus de production est très complexe », relève-t-elle dans un communiqué.

Pour faire face à la pénurie de médicaments en Europe, le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) a soumis trois propositions à la Commissaire européenne Stella Kyriakides, qui a annoncé début octobre l’adoption de deux de ces mesures proposées par la Belgique : la création d’un mécanisme de solidarité européen permettant d’échanger des médicaments en cas de pénurie urgente et la liste de « médicaments critiques » pour lesquels il existe peu de traitements de substitution. Quant à la mise en place d’un « Critical Medicines Act » sur les médicaments essentiels, qui vise à permettre à l’Europe de produire elle-même les ingrédients des médicaments les plus critiques, la commissaire à la Santé s’est dite ouverte à l’exploration de cette piste. Les vulnérabilités des chaînes de production sont en train d’être analysées et une communication est attendue d’ici une dizaine de jours, détaillant des mesures à court et moyen terme pour identifier les pénuries.