MPS : Entre planification industrielle et gouvernance opérationnelle à l’ère des APS.

Définition et rôle fondamental
Selon l’APICS (aujourd’hui ASCM – Association for Supply Chain Management), le Master Production Schedule (MPS) se définit comme le programme directeur de production qui précise quels produits finis ou sous-ensembles doivent être fabriqués, en quelles quantités et à quelles dates, sur un horizon donné.
Opérationnellement, le MPS :
traduit le plan industriel et commercial (S&OP) en un plan exécutable ; se décline par article fini et par période (semaines) ; constitue l’entrée principale du MRP (Material Requirements Planning) ; agit comme un contrat interne entre ventes, production et supply chain.
À l’ère des Advanced Planning Systems (APS), certains pourraient s’interroger : le MPS est-il encore pertinent lorsque les APS recalculent continuellement capacités, matières et contraintes sur l’ensemble des horizons ? La réponse est affirmative.
1. Le MPS : plus qu’un simple plan de production
Historiquement, le MPS a toujours rempli trois fonctions clés et indissociables :
Arbitrer les contraintes internes ; Formaliser les engagements vis-à-vis du marché ; Structurer le temps en stabilisant certaines décisions.
Il ne s’agit donc pas seulement d’un outil industriel, mais également d’un mécanisme de gouvernance temporelle.
2. APS et besoin de stabilité décisionnelle : l’entonnoir temporel
Les APS offrent une planification continue, mais les organisations humaines ne peuvent ni décider ni exécuter en continu. Sans zones stabilisées :
les priorités fluctuent constamment, les engagements clients s’affaiblissent, la crédibilité opérationnelle diminue.
C’est ici qu’intervient l’entonnoir temporel : la planification se fait progressivement du plus global au plus détaillé.
Le S&OP définit les grandes directions par famille de produits sur un horizon long et mensuel ; Le MPS descend au niveau des articles vendables et stabilise les décisions à moyen terme (hebdomadaire) ; L’ordonnancement traduit enfin ces engagements en actions quotidiennes.

Dans ce schéma, les APS calculent et optimisent, mais le MPS introduit volontairement stabilité et engageabilité, permettant aux décisions humaines de s’articuler de manière crédible dans le temps.
3. Du S&OP au MPS : précision et engageabilité
Le MPS transforme les orientations stratégiques du S&OP en engagements opérationnels précis :
passage du global au détail, augmentation de la précision et préparation de l’exécution, formalisation de ce qui sera effectivement tenu.
En résumé : le S&OP définit la direction ; le MPS matérialise ce qui sera réellement tenu.
4. La semaine : unité temporelle optimale
Le MPS doit s’appuyer sur une maille hebdomadaire.
Compatible avec les cycles industriels réels ; Permet des engagements clients crédibles ; Suffisamment fine pour piloter l’exécution, sans être instable ; Assure la continuité entre le mois du S&OP et la granularité quotidienne de l’ordonnancement.
La planification journalière est trop volatile, la planification mensuelle trop agrégée.
La semaine : unité temporelle optimale
5. Horizon de planification du MPS
L’APICS recommande de couvrir :
délai de fabrication + délai d’approvisionnement critique + zone d’engagement client.
En pratique :
12 à 26 semaines dans la majorité des industries manufacturières ; Plus long dans les environnements à cycles étendus (pharma, chimie).
L’horizon se divise en trois zones :

6. Zone ferme : le MPS comme contrat client
Dans la zone ferme :
quantités et dates sont engagées, modifications exceptionnelles et arbitres, engagements explicites vis-à-vis des clients.
Le MPS n’est pas seulement un plan de production : il matérialise ce qui peut être vendu avec crédibilité.
7. Mais où positionner le MPS dans la nomenclature ?
Le MPS ne se définit pas par étape industrielle (API, formulation, packaging), mais par :
les goulots structurants, les décisions coûteuses ou irréversibles, les priorités aval, les points de consommation des décisions par l’étape suivante.
C’est le lieu où l’on décide ce qui aura le droit d’exister en aval.
8. Exemple pharmaceutique : cohérence industrielle et commerciale
Le MPS industriel se positionne au niveau du goulot dominant (API, formulation, packaging selon contexte) ; Le MPS commercial se construit sur les produits vendables, avec une zone ferme hebdomadaire.
Les APS garantissent la cohérence end-to-end, le MPS en assure la crédibilité.
9. APS et MPS : complémentarité
APS : calcul, optimisation, simulation ; MPS : stabilisation, engagement, responsabilisation.
Le MPS n’est plus un module intermédiaire : il devient un véritable acte de gouvernance temporelle, au cœur de l’entonnoir temporel qui conduit du plan global à l’exécution détaillée.
Conclusion
Dans les chaînes pharmaceutiques mondialisées, le S&OP centralisé définit la stratégie et les priorités globales, tandis que le MPS local traduit ces orientations en plans hebdomadaires fiables, intégrant les contraintes spécifiques de chaque usine. Cette approche, conforme à l’entonnoir temporel du global au détaillé, concilie cohérence globale et crédibilité opérationnelle, garantissant la stabilité des engagements clients et la performance industrielle.
C’est l’opinion que je défends et tends à promouvoir dans mes interventions, car de mon expérience, c’est de loin la méthode la plus efficace pour les clients dont je soutiens la cause.
Emmanuel de Ryckel
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